Une étude, dont les résultats intitulés «Which way to the dawn of speech?: Reanalyzing half a century of debates and data in light of speech science» ont été publiés dans la revue Science Advances, a permis de montrer que les singes produisent des proto-voyelles bien différenciées, ce qui prouve que la production des vocalisations différenciées n’est pas une question de variantes anatomiques mais de contrôle des articulateurs, suggérant ainsi que la parole pourrait être née bien au-delà des 200 000 ans généralement avancés par les linguistes actuellement.

Relevons tout d'abord que depuis 50 ans, la théorie de la 'descente du larynx' (TDL) «avance qu’une position basse du larynx est nécessaire pour produire des voyelles différenciées, préalable à l’apparition de la parole». Il en découle que «les singes, qui ont une anatomie du conduit vocal qui ressemble, pour l’essentiel des articulateurs (langue, mandibule, lèvres), à celle des humains, mais avec un larynx haut, ne pourraient pas produire de vocalisations différenciées».

Plus précisément, la comparaison du conduit vocal de l’humain à celui des singes montre «que ces derniers ont un petit pharynx, lié à la position haute de leur larynx, alors que pour l’espèce humaine, le larynx est plus descendu» ce qui «empêcherait la production de voyelles différenciées, présentes dans la totalité des langues du monde et nécessaires pour les langues parlées». Cette théorie TDL, «malgré certaines critiques et de nombreuses observations acoustiques en contradiction» avec celle-ci, a été «acceptée par la très grande majorité des primatologues».

Dans ce contexte, «des articles récents sur les capacités articulatoires des singes ont mis en évidence leur usage possible d’un système de proto-voyelles». Concrètement, «en prenant en compte les cavités acoustiques formées par la langue, la mandibule et les lèvres (identiques chez les primates et l’humain)», il apparaît «que la production de vocalises différenciées n’est pas une question d’anatomie, mais un problème de contrôle des articulateurs». D'ailleurs, «les données utilisées pour l’établissement de la TDL» provenaient «de cadavres de sorte qu’elles ne pouvaient pas révéler un tel contrôle».

En fin de compte, ces travaux «ouvrent de nouvelles perspectives: si la naissance de la parole articulée n’est plus dépendante de la descente du larynx, qui a eu lieu il y a environ 200 000 ans, les scientifiques peuvent désormais envisager une émergence de la parole bien antérieure, jusqu’à remonter il y a au moins 20 millions d’années, époque à laquelle vivait notre ancêtre commun avec les singes», qui «avait déjà vraisemblablement la capacité de produire des vocalisations contrastées».