Une étude, dont les résultats intitulés «Human-like maternal left-cradling bias in monkeys is altered by social pressure» ont été publiés dans la revue Scientific Reports, a permis de montrer que les femelles babouins portent préférentiellement leur bébé du côté gauche comme chez les humains où une majorité de parents procèdent ainsi. Du fait qu'en cas de stress, ce comportement peut être inversé, ce phénomène pourrait être lié au traitement des émotions dans le cerveau, qui mobilise l’hémisphère droit à la fois chez les humains et les autres primates.

Relevons tout d'abord que «la majorité d’entre nous (66 à 72%) porte son enfant plutôt du bras gauche», un phénomène dont l'origine demeure jusqu'à présent obscure. Parmi les pistes explorées pour expliquer ce comportement préférentiel, il y a «la division du travail entre les deux hémisphères du cerveau dans le traitement des émotions, qui penche en faveur de l’hémisphère droit».

De plus, «c’est aussi l’hémisphère droit qui reçoit en premier les informations perçues dans le champ visuel gauche du parent (alors que le champ visuel droit est traité d’abord par l’hémisphère gauche)»: ainsi, le portage maternel à gauche permet «d’exposer le visage du bébé dans le champ visuel gauche du parent et favoriser ainsi directement son hémisphère dominant droit dans le traitement des expressions faciales émotionnelles du bébé». D'ailleurs, cette préférence de portage est altérée «par certains états émotionnels de la mère comme le stress ou l’anxiété».

Dans ce contexte, l'étude ici présentée est partie de l'idée que nos cousins primates, qui «sont les seules espèces à se servir aussi de leur bras pour porter leur bébé», pourraient contribuer à éclaircir l'origine de ce phénomène. En se focalisant sur un primate non-hominidé, le babouin Papio anubis, elle a clairement détecté «une préférence de portage maternel à gauche», puisque «la proportion de femelles portant leur bébé à gauche est quasiment identique à celle trouvée dans l’espèce humaine». Il en découle que ce phénomène serait «bien plus ancien que la lignée humaine ou même les hominidés».

Concrètement, «les chercheurs ont observé 44 mères babouins hébergées dans différents groupes sociaux à la Station de Primatologie du CNRS et, pour chaque mère, ils ont relevé les fréquences d’utilisation du bras droit et gauche pour porter le petit ainsi que la densité sociale des groupes observés». Il est ainsi apparu «que cette préférence de portage à gauche était altérée, voire inversée, dans les groupes à forte densité sociale, un indicateur solide du niveau de stress».

Autrement dit, «l'état émotionnel de la mère soumise à une vigilance et à un stress accrus dans le groupe pourrait accaparer les ressources de l’hémisphère droit au détriment de l’attention émotionnelle envers l’enfant, et affecterait ainsi le portage à gauche, exactement comme dans l’espèce humaine».

En fin de compte, «cette observation pourrait confirmer l’hypothèse d’un lien entre le comportement de portage maternel et l’organisation asymétrique du traitement des émotions dans le cerveau» et cette continuité entre l’espèce humaine et une espèce de singe de l’Ancien Monde suggère «que ce phénomène pourrait remonter à leur ancêtre commun, il y a 25 à 35 millions».