Une étude, dont les résultats intitulés «Bronze Age innovations and impact on human diet: A multi-isotopic and multi-proxy study of western Switzerland» ont été publiés dans la revue PLOS ONE, a permis, grâce à des analyses isotopiques menées sur des squelettes humains et animaux et des restes végétaux de plusieurs communautés vivant à l’âge de Bronze en Suisse occidentale, de reconstruire l’évolution de l'alimentation de celles-ci.

Relevons tout d'abord que les ressources archéologiques pour étudier l’âge de Bronze (2200 à 800 av. J.-C.), qui «marque une étape décisive dans l’orientation technologique et économique des sociétés de l’Ancien Monde» sont aujourd’hui limitées. Cette situation est en partie due «aux changements de rituels funéraires», car «petit à petit, les populations ont délaissé l’inhumation au profit de l’incinération, réduisant drastiquement le matériel osseux nécessaire à la recherche».

De ce fait, alors que «le Néolithique marque le début de l’élevage et de la culture du blé et de l’orge, pour ce qui concerne le régime alimentaire à l’âge du Bronze qui lui succède, « les reconstitutions de l’alimentation, de l’environnement et des pratiques de l’agriculture et de l’élevage à l’âge du Bronze» ont été réalisées jusqu’à aujourd’hui par l’archéobotanique et l’archézoologie», des méthodes, qui «ne fournissent que des informations générales».

Dans ce contexte, l'étude ici présentée a, pour la première fois, pu analysé «directement des squelettes humains et animaux, afin d’étudier les isotopes stables issus du collagène des os et de dents qui les constituent et définir leurs conditions de vie», car ils permettent de découvrir quels types de ressources ont été consommés»: en tout, «41 squelettes humains, 22 animaux et 30 échantillons de plantes provenant de sites en Suisse occidentale et en Haute-Savoie (France), qui s’échelonnent du début à la fin de l’âge du Bronze», ont été analysés.

Il est ainsi apparu, en premier lieu «qu’il n’y a pas de différence entre les régimes alimentaires des hommes et des femmes, et qu’il n’y a pas de changements remarquables de l’alimentation entre l’enfance et la phase adulte de ces individus». Il en découle qu'il n’y avait pas «de stratégie spécifique pour alimenter les enfants, tout comme les hommes ne consommaient pas plus de viande que les femmes».

D'autre part, «concernant l’origine des protéines consommées, il a été constaté que bien que la Suisse occidentale bénéficie d’un lac et de rivières, l’alimentation était principalement tournée vers les animaux et les plantes terrestres, au détriment des poissons ou d’autres ressources d’eau douce».

Cependant, «l’intérêt principal de l’étude repose sur les plantes, révélatrices des bouleversements sociétaux». En effet, alors que dans «l’âge du Bronze ancien (2200 à 1500 av. J.-C.), l’agriculture était principalement fondée sur l’orge et le blé, des céréales d’origine proche-orientale cultivées dès le Néolithique en Europe», dès le Bronze récent-final (1300 à 800 av. J.-C.), «l’introduction du millet, une plante venue d’Asie qui pousse en milieu plus aride» a été constatée.

En outre, «les isotopes de l’azote ont révélé une intensification de l’utilisation d’engrais», car «l'analyse de plusieurs espèces de plantes de phases différentes de l’âge du Bronze suggère une augmentation de la fertilisation du sol au cours du temps, afin d’augmenter très probablement la production des cultures agricoles».

Au bout du compte, «ces deux découvertes couplées semblent confirmer d’une part l’aridité générale qui sévissait en Europe à cette période, nécessitant une adaptation de l’agriculture, et d’autre part la densification des échanges entre les diverses cultures comme celle de l’Italie du Nord ou de la région danubienne, permettant l’introduction du millet en Suisse occidentale».