• Astrophysique: la dissipation des marées de Saturne au sein du noyau poreux d’Encelade pourrait engendrer une activité hydrothermale stable pendant des milliards d’années! ____¤201711

     

    Une étude, dont les résultats intitulés «Powering prolonged hydrothermal activity inside Enceladus» sont publiés dans la revue Nature Astronomy, montre que la dissipation des marées de Saturne au sein du noyau poreux d’Encelade, mélange de roches et d’eau liquide, pourrait fournir suffisamment de chaleur pour engendrer une activité hydrothermale. Comme cette activité pourrait être stable pendant des milliards d’années, elle accroît «le statut de monde potentiellement habitable de cette lune lointaine».

     

    Rappelons tout d'abord que Encelade «est une lune de Saturne d’à peine plus de 500 km de diamètre qui, malgré sa taille, présente une activité exceptionnelle». Les caractéristiques majeures de cette lune ont été «révélées par la sonde spatiale Cassini au cours de sa mission qui s’est conclue en septembre 2017»: elles comportent, en particulier, la présence d’un océan global sous une couche de glace d’épaisseur moyenne 20-25 km qui s’amincit jusqu’à quelques kilomètres seulement sous son pôle sud» de sorte qu'à cet endroit «des jets de vapeur d’eau et de grains de glace sont émis à travers des fissures dans la glace».

     

    En fait, comme la composition des matériaux éjectés, mesurée par Cassini, inclut, en plus de l'eau, «des sels et des grains nanométriques de silice, suggérant la circulation d’eau chaude (au moins 90°C) dans le noyau rocheux», ces observations «rendent nécessaire une source de chaleur anormalement élevée pour une si petite lune (environ 100 fois plus que la puissance fournie par la désintégration d’éléments radioactifs dans les roches qui constituent le noyau d’Encelade)» et «requièrent aussi un mécanisme permettant de focaliser l’activité sous le pôle sud».

     

    Il est probable que les effets de marées causés par Saturne sont «à l’origine des éruptions issues des grandes fractures au sein de la croûte de glace, s’ouvrant et se refermant, au cours de la révolution de la lune autour de la planète géante sur son orbite elliptique». Cependant comme «l’énergie produite par la friction de marée dans la couche de glace ne permet pas à elle seule de contrebalancer la perte de chaleur de l’océan» puisque «le globe cristalliserait irrémédiablement en moins de 30 millions d’années», l'étude ici présentée fournit un modèle détaillé qui rend compte, pour la première fois, de l'activité d'Encelade en intégrant d’autres phénomènes.

     

    Plus précisément, ce modèle confère un rôle clé à l’intérieur le plus profond de la lune de Saturne, en posant que c'est «la structure particulière du noyau rocheux, sous l’océan, qui permet la production de cette énergie»: selon cette hypothèse, il serait constitué «de roches poreuses perméables à l’eau liquide, non consolidées et facilement déformables» de sorte que «l’eau fraiche de l’océan interne peut plonger au sein du noyau et graduellement se réchauffer en circulant à travers les grains de roche malaxés par les marées» pour ensuite remonter «quand elle devient plus chaude que les régions environnantes».

     

    Les simulations indiquent que ce phénomène «transfère la chaleur produite en profondeur vers la base de l’océan, sous la forme d’étroits courants chauds ascendants» qui «créent des points chauds sur le plancher océanique»: ainsi, «un seul de ces points chauds à la base de l’océan peut fournir jusqu’à 5 GW sous forme de chaleur (à titre de comparaison, cette quantité équivaut à la puissance géothermale consommée chaque année en Islande)».

     

    Ces points chauds «engendrent des panaches ascendants dans l’océan dont la vitesse de remontée est de quelques centimètres par seconde», ce qui entraîne «la fusion de la coquille de glace au dessus». Il a été constaté que «la localisation des points chauds dans les modèles numériques coïncide avec les régions où la croûte de glace est la moins épaisse, d’après les mesures effectuées par Cassini».

     

    Un processus d’emballement est envisagé «car l’amincissement de la croûte de glace sous le pôle produit localement un surcroît de chauffage de marée dans le noyau poreux» qui produit des panaches «encore plus chauds et vigoureux». De plus, «à l’échelle de plusieurs semaines à plusieurs mois», ces panaches permettent également «le transport de petites particules produites par l’interaction de l’eau chaude avec les roches environnantes, certaines de ces particules étant ensuite émises dans l’espace par les jets que Cassini a observés».

     

    L'étude prédit enfin «que la déformation cyclique d’un tel noyau par les marées produit jusqu’à 30 GW de chaleur et pourrait perdurer pendant des dizaines de millions, voire des milliards d’années». Afin de savoir «si de telles sources hydrothermales ont permis l’émergence de la vie», il faudra mettre sur pied des missions «capables d’analyser les molécules organiques émises dans les jets d’Encelade avec une précision plus grande que celle atteinte par la mission Cassini».

     

     


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