Une étude, dont les résultats intitulés «Characterisation of a synthetic Archeal membrane reveals a possible new adaptation route to extreme conditions» sont publiés dans la revue Communications Biology, a permis de montrer, en combinant des approches de physique et de chimie de la membrane cellulaire, que l'existence d'une bicouche dont l'interface est saturée d'hydrocarbures est une voie d'adaptation possible de la cellule aux conditions extrêmes.

Relevons tout d'abord que "la membrane plasmique d'une cellule n'est pas uniquement une barrière physique entre l'intérieur d'une cellule et son environnement", car, en fait, c'est "une structure dynamique indispensable pour de nombreux processus cellulaires tels que le contrôle du trafic membranaire, la production d'énergie, la perception de l'environnement".

En fait, une cellule doit, pour survivre "maintenir cette membrane fonctionnelle à tout prix et quelles que soient les conditions environnementales et leurs variations", une nécessité appelée "adaptation homéovisqueuse de la membrane", qui "est réalisée en adaptant en temps réel la composition en lipides des membranes".

Ces lipides membranaires "sont des molécules amphiphiles, possédant une extrémité hydrophile (la tête polaire) et une extrémité hydrophobe (les chaines aliphatiques)" qui "s'assemblent spontanément sous forme de bi-couche avec les têtes polaires pointant vers le milieu aqueux et les chaines aliphatiques formant une région hydrophobe au centre".

Jusqu'ici, "il était admis que deux adaptations structurales des lipides des membranes permettaient la vie en conditions extrêmes: 1) la synthèse de lipides transmembranaires, à deux têtes polaires formant des membranes en mono-couche 2) la connexion des chaines lipidiques sur les têtes polaires des lipides par des liaisons éther au lieu de liaisons ester", puisque "grâce à ces liaisons éther, ces lipides sont beaucoup plus stables chimiquement": en effet, à cause de "leur deux têtes polaires, qui chacune pointe sur une des deux faces de la membrane, ces lipides forment des monocouches lipidiques plus compactes, imperméables et stables".

Cependant, "plusieurs observations montrent qu'il pourrait exister d'autres voies adaptatives aux conditions extrêmes, comme par exemple dans le cas de certaines archées hyperthermophiles" pour lesquelles la température de croissance optimale est supérieure à 80°C alors que "leur membrane est une bi-couche lipidique, ce qui pose la question de la stabilité de cette membrane".

Dans ce contexte, l'étude ici présentée est partie de l'hypothèse qu'une nouvelle architecture de membrane "dans laquelle cette dernière ne serait pas constituée uniquement de lipides, mais contiendrait des hydrocarbures insérés à l'interface entre les deux faces de la bi-couche" expliquerait "la stabilité de cette bi-couche lipidique dans ces conditions de vie extrêmes". De la sorte, "les propriétés physico-chimiques de la membrane seraient compatibles avec sa fonctionnalité".

Cette étude, a donc "combiné différentes approches de physique fondamentale (diffraction, contraste atomique, spectroscopie), pour apporter la preuve expérimentale des propriétés exceptionnelles de cette nouvelle ultrastructure membranaire".

Il apparaît comme le prédit le modèle, que "l'insertion des hydrocarbures (squalane) dans le centre de la membrane se caractérise par un élargissement de son domaine de stabilité vers des températures plus élevées et une forte réduction de la perméabilité aux protons, essentiels pour le maintien de la fonction membranaires à haute température".

De plus, "en relâchant les contraintes topologiques des chaines hydrophobes des lipides dans la membrane, les hydrocarbures apolaires permettent à la membrane d'adopter des courbures qui seraient inaccessibles pour ces lipides en leur absence et confèrent à la membrane des capacités nouvelles" ces courbures positives ou négatives étant essentielles dans plusieurs processus, "tels que la fusion/fission membranaire ou l'insertion de nombreuses protéines dans la membrane".

Au bout du compte, "l'existence de cette nouvelle voie d'adaptation pour la membrane (qui ne requiert pas l'"invention" évolutive, peu probable, de lipides à deux têtes polaires) a de nombreuses implications pour comprendre l'adaptation des cellules contemporaines". En outre, "on peut penser qu'elle a pu jouer également un rôle important dans l'émergence des premières membranes puis dans l'évolution précoce des procaryotes".