• Biologie: le rôle d'une bactérie dans les stades précoces d'édification des cheminées du site de Prony amène à repenser la structure des écosystèmes primitifs de notre planète!____¤201704

     

    Une étude, dont les résultats intitulés «Mineralizing Filamentous Bacteria from the Prony Bay Hydrothermal Field Give New Insights into the Functioning of Serpentinization-Based Subseafloor Ecosystems» ont été publiés dans la revue Frontiers in microbiology, met en évidence l'importance du rôle d'une bactérie appartenant au phylum des Firmicutes durant les stades précoces d'édification et de consolidation des cheminées carbonatées du site hydrothermal de la baie de Prony (Nouvelle Calédonie), ce qui amène à repenser la structure et le fonctionnement des écosystèmes primitifs de notre planète.

     

    Soulignons tout d'abord que «les preuves de plus en plus nombreuses de l'existence d'une vie intraterrestre abondante et active dans la subsurface amènent à considérer la croûte terrestre comme le plus grand habitat potentiel sur Terre». En ces lieux dépourvus de lumière solaire, «les écosystèmes tirent profit des forts gradients redox existant au contact entre des fluides oxydants circulant dans la croûte fracturée, riches en accepteurs d'électrons (O2, SO42-, NO3-...) et un environnement réduit potentiellement riche en donneurs d'électrons (H2, CH4, NH3/NH4+, Fe2+...)».

     

    Plus concrètement, dans le cas de la serpentinisation des roches mafiques et ultramafiques, «l'hydratation de minéraux silicatés riches en Fe2+ s'accompagne d'une forte production d'hydrogène moléculaire relargué dans les fluides hydrothermaux». Ce flux d'hydrogène «peut par la suite réduire les espèces inorganiques du carbone, comme le CO2 dissous, pour former des molécules organiques plus ou moins complexes (e.g. CH4), fournissant ainsi une source d'énergie et de carbone aux écosystèmes microbiens chimiolithotrophes nichés au sein de ces roches et dont les métabolismes seraient alors totalement indépendants de la photosynthèse».

     

    De ce fait, «ces écosystèmes appelés SLIME pour 'Subsurface Lithoautotrophic Microbial Ecosystems'» sont «considérés comme de bons analogues des écosystèmes primitifs, apparus sur Terre bien avant le développement de la photosynthèse». Il est ainsi des systèmes hydrothermaux qui ont l'avantage d'être «des fenêtres ouvertes sur la biosphère profonde».

     

    Rappelons ici que la découverte du site de Lost City situé le long de la dorsale médio-Atlantique «a changé notre vision de comment et où la vie aurait pu apparaitre sur Terre il y a plus de 3,8 milliards d’années» puisque, dans ce système hydrothermal d’un genre nouveau, «des archées méthanogènes appartenant au phylum des Methanosarcinales», semblent «jouer le rôle de producteur primaire, se nourrissant d’H2 et de CO2 pour produire du méthane».

     

    Pour sa part, l'étude ici présentée s'est intéressée «aux premiers stades de formation des cheminées carbonatées du système hydrothermal de la baie de Prony» en Nouvelle Calédonie, qui est «le seul analogue actuel connu du site de Lost City» car il «se développe sur un substratum de roches ultramafiques serpentinisées»: ainsi, en cet endroit, «comme à Lost City, des fluides hydrothermaux hyperalcalins (pH ~10-11), riches en H2 et CH4, sont émis au niveau des cheminées carbonatées du champ hydrothermal». En outre, le site hydrothermal actif de la baie de Prony «présente des températures modérées (~ 40°C) compatibles avec la vie».



    En vue «d’accéder à ces fameux SLIMEs avant qu’ils ne se mêlent aux communautés de l’eau de mer ou du plancher océanique», l'étude décrit, à l’échelle micrométrique, «la minéralogie ainsi que les populations microbiennes se développant au sein des conduits internes de ces cheminées naissantes, en combinant imagerie par microscopie électronique à balayage (MEB), diffraction des rayons X, microscopie confocale à balayage laser (MCBL), hybridations in situ fluorescentes (FISH) et analyses phylogénétiques».



    Ces analyses ont fait apparaître «le rôle clef joué par une bactérie incultivée, appartenant aux Firmicutes, au cours des premiers stades d'édification et de consolidation de ces cheminées hydrothermales au travers de processus d'organominéralisation». Plus précisément, les gaines de ces bactéries filamenteuses servent «de points de nucléation pour la précipitation d'hydroxydes de magnésium et notamment de brucite, constituant majeur de ces cheminées». Leur localisation «au cœur des conduits actifs et leur rôle au cours des premiers stades de l’édification de ces cheminées a permis de leur attribuer une origine profonde» puisqu'elles sont «supposées être amenées au niveau du plancher océanique par les fluides hydrothermaux».

     

    Ces Firmicutes, qui pourraient «être le reflet d'un SLIME se développant en subsurface à la faveur de la réaction de serpentinisation», de même «que des représentants des phyla Acetothermia et Omnitrophica» semblent, dès lors, «les premiers micro-organismes colonisant ces environnements, bien avant les archées Methanosarcinales observées uniquement dans les cheminées hydrothermales plus anciennes».

     

    L'étude avance l'hypothèse, «en se basant sur la phylogénie de ces bactéries ainsi que sur la faible teneur en CO2 de ces fluides hydrothermaux», que ces bactéries «ont un métabolisme organo-heterotrophe basé sur l’utilisation de composés organiques produits par pure voie chimique lors de la réaction de serpentinisation»: en fait, «leur capacité à utiliser une grande diversité de molécules organiques, leur confèrerait un avantage écologique sur des organismes autotrophes tels que les Methanosarcinales et leur permettrait de pallier la très faible teneur en carbone inorganique dissous qui caractérise ces environnements».


    En fin de compte, cette étude, qui met en lumière «l'importance de l'hétérotrophie, jusqu'alors sous-estimée au profit de l'autotrophie, dans la structure des écosystèmes de subsurface en contexte de serpentinisation», conduit à repenser la structure et le fonctionnement des écosystèmes primitifs «en considérant l'hétérotrophie comme une stratégie métabolique de premier ordre».

     

     


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