• Géophysique: les isotopes du soufre montrent que l’oxygénation de la planète a commencé bien plus tôt qu'on le croyait et s'est étalé sur presque 300 millions d’années!____¤201806

     

    Une étude, dont les résultats intitulés «Globally asynchronous sulphur isotope signals require re-definition of the Great Oxidation Event» ont été publiés dans la revue Nature Communications, a permis de montrer, grâce à l'analyse des quatre isotopes du soufre dans plus de 700 mètres de dépôts sédimentaires australiens, que l’oxygénation de la planète a commencé bien plus tôt que traditionnellement admis et que son enregistrement n’a pas été synchrone d’un continent à l’autre (Australie, Afrique du Sud, Amérique du Nord) mais étalé dans le temps sur presque 300 millions d’années.

     

    Notons tout d'abord qu'en «l’absence d’oxygène dans l’atmosphère, la photolyse UV de dioxyde de soufre (SO2) libéré par l’activité volcanique se traduit par la production de composés soufrés caractérisés par des fractionnements isotopiques très particulier dits indépendant de la masse (noté, MIF-S)». Ces composés soufrés transfèrent, en se dissolvant dans l’océan, «ces anomalies isotopiques au registre sédimentaire lors de leur précipitation sous forme de pyrite, par exemple», mais «en présence d’oxygène atmosphérique, ces fractionnements isotopiques particuliers disparaissent».

     

    Rappelons aussi que «la grande oxygénation de l’atmosphère terrestre (Great Oxidation Event, GOE) entre 2,5 et 2,2 milliards d’années (Ga) a été définie comme l'intervalle de temps pendant lequel une quantité suffisante d'oxygène atmosphérique était présent pour empêcher la production et le transfert de ces anomalies isotopiques dans le registre sédimentaire».

     

    Dans ce contexte, «la disparition de ces anomalies isotopiques dans des sédiments d’Afrique du Sud sur quelques mètres d’épaisseur de sédiments, a conduit des études précédentes à proposer que l’augmentation de l’oxygène dans l’atmosphère a été rapide (moins de 10 millions d’années, Ma) et globalement synchrone à environ 2,32 Ga sur l’ensemble du globe». Néanmoins, «la présence d’importantes lacunes sédimentaires dans les séquences d’Afrique du Sud» faisait que ce modèle d’oxygénation était mal contraint.

     

    En vue «de mieux contraindre les mécanismes, l’amplitude et la durée du GOE», une campagne de forages a été entreprise dans le cadre de l'étude ici présentée «dans le bassin du Hamersley en Australie occidentale» pour analyser «un échantillonnage représentatif qui recoupe la période entre 2,5 et 2,2 Ga associée au GOE»: en fait, «la séquence sédimentaire étudiée est le groupe du Turee Creek, laquelle, à la différence de ses équivalents d’Afrique du Sud et d’Amérique du Nord, ne présente pas de discontinuité sédimentaire majeure».



    Finalement, «l’analyse des isotopes du soufre à haute résolution stratigraphique» a fait apparaître «un signal MIF-S relativement homogène et de faible amplitude (1± 0.5‰) sur l’ensemble des carottes», ponctué «de plusieurs intervalles sédimentaires dans lesquels les sulfures ne présentent pas d’anomalies MIF-S». Cette présence d’épisodes de dépôt sans MIF-S implique «que des quantités non négligeables d’oxygène étaient présentes dans l’atmosphère dès 2,45 Ga».

     

    Comme «le signal MIF-S de l’ordre de 1‰ représente la moyenne des anomalies isotopiques mesurées dans les sulfures de la période archéenne (4,0 à 2,5 Ga) antérieure au GOE», l'enregistrement de cette anomalie «sur plus de 700 mètres de carottes de forage ne peut s’expliquer par un processus atmosphérique, mais résulte vraisemblablement de l’altération en conditions oxydantes de surfaces continentales plus anciennes (archéennes) et le recyclage d’un réservoir de sulfate de composition isotopique homogène de l’ordre de 1‰ dans l’océan».

     

    Au bout du compte, ce modèle «permet d’expliquer que l’enregistrement MIF-S dans les sédiments d'Afrique du Sud, d'Amérique du Nord et d'Australie ne soit pas synchrone car dépendant des surfaces d’altération locales». De ce fait, il convient d'abandonner le paradigme actuel qui consiste à «définir le GOE à 2,33-2,32 Ga en se basant sur la dernière occurrence de MIF-S en Afrique du Sud».

     

     


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