Une étude, dont les résultats intitulés «Progenitors from the central nervous system drive neurogenesis in cancer» ont été publiés dans la revue Nature, a permis de découvrir que des neurones voient le jour au sein même du microenvironnement tumoral, contribuant au développement du cancer, Ces cellules nerveuses, qui dérivent de progéniteurs provenant du cerveau, sont acheminés via la circulation sanguine.

Relevons tout d'abord que «la production de nouveaux neurones est un événement plutôt rare chez l’adulte, cantonné à deux régions particulières du cerveau: le gyrus denté dans l’hippocampe et la zone sous-ventriculaire». De ce fait, la découverte que «ce phénomène se produit également en dehors du système nerveux central», dans les tumeurs, est très remarquable.

Concrètement, l'étude ici présentée a testé l'hypothèse que les réseaux nerveux impliqués dans le développement des tumeurs, qui ont été découverts lors d'études précédentes, «provenait de nouveaux neurones se formant sur place». Pour cela, «les tumeurs de 52 patients atteints de cancer de la prostate» ont été analysées.

Cette analyse a permis de découvrir «des cellules exprimant une protéine, la doublecortine (DCX), connue pour être exprimée par les cellules progénitrices neuronales, lors du développement embryonnaire et chez l’adulte dans les deux zones du cerveau où les neurones se renouvellent». Il est, en outre, apparu dans les tumeurs analysées que «la quantité de cellules DCX+ est parfaitement corrélée à la sévérité du cancer».

Ainsi, ces observations attestent «de la présence de progéniteurs neuronaux DCX+ en dehors du cerveau chez l’adulte» et elles prouvent «qu’ils participent bien à la formation de nouveaux neurones dans les tumeurs».

En vue de «déterminer l’origine de ces progéniteurs neuronaux», des souris transgéniques, porteuses de tumeurs, ont été utilisées. Les cellules DCX+ «présentes dans les deux régions du cerveau où elles résident habituellement» ont été quantifiée. Il a alors été observé «que, lors de l’établissement d’une tumeur, leur quantité est réduite dans l’une d’elles : la zone sous-ventriculaire». Deux explications étaient possibles: «soit les cellules DCX+ mourraient dans cette région sans qu’on en connaisse la cause, soit elles quittaient cette zone, ce qui pouvait expliquer leur apparition au niveau de la tumeur».

Au bout du compte, «différentes expériences ont montré que cette seconde hypothèse était la bonne avec la mise en évidence du passage des cellules DCX+ de la zone sous-ventriculaire du cerveau dans la circulation sanguine et de l’extrême similarité entre les cellules centrales et celles retrouvées dans la tumeur».

En pratique, «des anomalies de perméabilité de la barrière hématoencéphalique de la zone sous-ventriculaire chez les souris cancéreuses» sont constatées, qui favorisent «le passage des cellules DCX+ dans le sang». De la sorte, «les cellules DCX+ migrent dans le sang jusqu’à la tumeur, y compris dans les nodules métastatiques, où elles s’intègrent au microenvironnement» en se différenciant «en neuroblastes puis en neurones adrénergiques producteurs d’adrénaline». Comme «l’adrénaline régule le système vasculaire», c’est «probablement ce mécanisme qui favorise à son tour le développement tumoral».

En attendant que ces hypothèses soient vérifiées, «cette recherche ouvre la porte à une nouvelle piste thérapeutique», car «des observations cliniques montrent que les patients atteints de cancer de la prostate qui utilisent des bêtabloquants (qui bloquent les récepteurs adrénergiques) à des fins cardiovasculaires, présentent de meilleurs taux de survie».

Plus généralement, cette étude incite au développement de recherches relatives «au rôle du système nerveux dans le développement des cancers et aux interactions entre les systèmes vasculaires, immunitaires et nerveux dans la tumorigenèse».