• Paléontologie: les premiers tétrapodes du Dévonien supérieur ont vécu dans des eaux saumâtres des deltas ou des estuaires! ____¤201806

     

    Une étude, dont les résultats intitulés «Euryhaline ecology of early tetrapods revealed by stable isotopes» ont été publiés dans la revue Nature, a permis, grâce à l'analyse des restes de premiers tétrapodes, de découvrir que ces derniers avaient vécu dans des eaux saumâtres comme des deltas ou des estuaires, alors que les premiers tétrapodes du Dévonien supérieur «ont longtemps été considérés comme des vertébrés vivant en eau douce par les paléontologues» (une hypothèse qui «ne permettait pas d'expliquer comment, il y a environ 360 millions d'années, ils avaient pu atteindre une répartition mondiale dès le Dévonien supérieur en franchissant les océans», des barrières infranchissables «pour les espèces adaptées aux milieux d'eau douce»).

     

    Rappelons tout d'abord que «le Dévonien (419-359 millions d’années) est une période géologique souvent appelée 'l’âge des poissons', car «les seuls vertébrés qui peuplaient alors notre planète vivaient dans des environnements aquatiques». Cependant, à la fin du Dévonien, apparaissent les tétrapodes, «des espèces dont les membres sont munis de doigts» qui «habitaient encore des environnements aquatiques».

     

    Comme, jusqu'ici, les chercheurs ne savaient pas «dans quelles eaux, salées ou douces, ils nageaient», en vue de le déterminer un nouveau traceur géochimique des milieux de vie a été développé et «appliqué à des fossiles des premiers tétrapodes et de leur faune associée, provenant du Groenland et de Chine».

     

    Plus précisément, «des fossiles de vertébrés provenant de deux gisements du Dévonien supérieur du Groenland et de Chine», qui comportaient «des restes de squelettes des premiers tétrapodes ainsi que d’autres espèces de vertébrés dont des os de poissons cuirassés, les placodermes, retrouvés dans les mêmes gisements», ont été échantillonnés. Ensuite, «les compositions isotopiques de l’oxygène (18O/16O) et du soufre (34S/32S), c’est-à-dire l’abondance relative entre les isotopes lourds et légers de ces deux éléments contenus dans les restes fossilisés» ont été analysés.

     

    Notons ici que, dans l’environnement actuel, «l’oxygène des eaux marines et le soufre des ions sulfate sont enrichis en isotopes lourds 18O et 34S par rapport aux eaux douces des continents». Comme «ces eaux sont ingérées par les vertébrés qui y vivent», le soufre et l’oxygène «sont incorporés à l’os lors de sa minéralisation tout en conservant la signature isotopique du milieu d’où ils proviennent». Il en résulte que l’analyse isotopique de l’oxygène et du soufre des os d’un vertébré permet «de déterminer s’il vit en eaux douces ou de mer».

     

    Les rapports isotopiques de l’eau de mer et de l’eau douce ayant «a priori peu changé depuis le Dévonien», il est «possible de déduire le milieu de vie des premiers tétrapodes à partir des valeurs isotopiques de leurs os fossilisés». Au bout du compte, «les compositions isotopiques du soufre et de l’oxygène des fossiles de poissons et tétrapodes du Groenland et de Chine révèlent un environnement de vie intermédiaire qui indique que ces premiers tétrapodes et leur faune associée vivaient dans des environnements aquatiques où les eaux marines se mélangeaient aux eaux douces, comme des zones deltaïques ou estuariennes».

     

    En conséquence, les premiers tétrapodes étaient «capables de tolérer une grande gamme de salinités, à l’instar de nombreux poissons actuels vivant dans ces milieux, comme les anguilles ou les saumons, mais également comme le crocodile marin du bassin Indo-Pacifique».

     

    En outre, le caractère euryhalin (capacité de supporter les variations importantes de salinité du milieu aquatique) de ces premiers tétrapodes a «pu les prédisposer à se réfugier dans certains milieux aquatiques peu impactés lors des nombreuses crises biologiques qui ont marqué la fin du Dévonien» et «leur a peut-être également permis d’envahir par la suite les environnements terrestres avec une grande efficacité à partir des voies fluviales, leur donnant ainsi accès au cœur des continents».

     

    Pour obtenir «des compléments d’information sur les différentes étapes aboutissant à la terrestrialisation des tétrapodes, considérée comme un événement majeur de l’Histoire de la vie», il reste à entreprendre l'analyse géochimique des descendants du Carbonifère (-359 à -259 millions d’années environ) de ces premiers tétrapodes.

     

     


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