Une étude, dont les résultats intitulés «Step by Step Strecker Amino Acid Synthesis from Ab Initio Prebiotic Chemistry» sont publiés dans la revue Physical Chemistry Letters et disponibles en pdf, a permis de simuler par des calculs de chimie quantique les différentes étapes du mécanisme de Strecker, considéré comme ayant mené à la synthèse des premiers acides aminés dans l'Univers primordial.

Relevons tout d'abord que «la synthèse spontanée des briques élémentaires du vivant dans la Terre primordiale, ou dans les météorites, est au cœur de la chimie prébiotique». Parmi ces synthèses, qui «représentent un ensemble de réactions chimiques complexes, du fait du grand nombre de molécules y prenant part, et de la diversité des conditions géochimiques environnantes», l’émergence des acides aminés, constituants de base des protéines, «est traditionnellement expliquée via le mécanisme dit 'de Strecker', une série de réactions multi-composants en solution aqueuse». Cependant, jusqu'ici, cette hypothèse n’avait jamais été confirmée rigoureusement «par des calculs en chimie quantique, tenant compte également d’une description réaliste de l'environnement».

Dans ce contexte, l'étude ici présentée apporte la confirmation attendue «au niveau quantique de la synthèse de Strecker des acides aminés, avec une description explicite du solvant». Pour effectuer la démonstration en question, «la réaction de Strecker a été découpée en sept sous-réactions, chacune étudiée séparément».

Du fait que les calculs numériques sont d'une précision quantique, «les temps caractéristiques des réactions qui peuvent être étudiée sont de l'ordre de la dizaine de picosecondes». Néanmoins, comme «se restreindre à ces durées ne permettait pas d'explorer un grand nombre de réactions», il a fallu, pour contourner cette difficulté, mettre au point «une technologie d'échantillonnage augmenté, de telle sorte à 'faire sortir' les systèmes physico-chimiques de leur minimum local d'énergie libre, et explorer un paysage chimique plus large».

Ainsi, le système étudié a été dirigé dans plusieurs directions, «afin de reproduire un panel très large de réactions, puis de déterminer le chemin le plus efficace effectivement emprunté par les réactifs». Ensuite, les résultats obtenus ont été validés «par les quelques résultats expérimentaux existants».

En outre, alors que «de nombreuses 'zones d’ombre' demeuraient au sujet de certaines étapes de la réaction de Strecker», cette étude permet de compléter les résultats expérimentaux lacunaires, «fournissant un paysage de référence pour toute la communauté scientifique étudiant les origines de la vie».

Par ailleurs, «plusieurs observations expérimentales de composés organiques dans les objets extraterrestres suggèrent de remettre en cause ce mécanisme»: par exemple, on détecte dans les météorites «des molécules 'cousines' des acides aminés, tels les acides hydroxylés, ou d’acides aminés 'Bêta' et 'Gamma', en compagnie des acides aminés classiques de la famille 'Alpha', ce qui ne peut pas être expliqué par le mécanisme de Strecker». Face à cela, il apparaît que la méthode utilisée dans ce travail indique «que d’autres mécanismes de synthèse prébiotique, qui restent à explorer, sont effectivement possibles».