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Génétique: un seul changement de nucléotide, chez Cænorhabditis elegans, est à la source de la fixation génétique d’un comportement normalement induit par l’environnement! ____¤202102
Une étude, dont les résultats intitulés «A single-nucleotide change underlies the genetic assimilation of a plastic trait» sont publiés dans la revue Science Advances, a permis de montrer, chez le nématode Cænorhabditis elegans, qu’un simple changement de nucléotide est à l’origine de la fixation génétique d’un trait d’histoire de vie normalement induit par l’environnement.
Relevons tout d'abord que «le comportement et l’histoire de vie d’un organisme varient considérablement avec les conditions environnementales. Dans ce cadre, il existe un processus évolutif, l'assimilation génétique, «au cours duquel un phénotype plastique initialement sensible à l’environnement devient fixé génétiquement et insensible à l’environnement», «l'un des exemples les plus spectaculaires de cette plasticité phénotypique» étant «l’éclosion interne des embryons et le matricide chez le nématode Cænorhabditis elegans».
Concrètement, «lorsque la nourriture est abondante, les mères pondent des embryons qui éclosent et se développent dans le milieu extérieur» tandis que, en l’absence de nourriture ou en présence de conditions environnementales stressantes, «les embryons ne sont plus pondus mais éclosent et se développent à l’intérieur de leur mère, se nourrissant de son corps et entraînant sa mort» de sorte que le matricide par éclosion interne constitue «un cas extrême de sacrifice maternel, qui permet la survie et le développement de la descendance malgré l’absence de nourriture». Ce caractère plastique de la ponte, variant en fonction de l’environnement se retrouve dans «la plupart des populations sauvages de C. elegans».
Alors que le concept de plasticité phénotypique constitue un caractère fondamental de biologie évolutive, les bases moléculaires de son assimilation restent très mal connues. Dans ce contexte, l'étude ici présentée a fait une «découverte surprenante»: il est apparu que certaines souches sauvages montrent «une éclosion interne et un matricide de façon constitutive, et ce même en présence de nourriture».
D'autre part, cette étude a «identifié une variation génétique portant sur un seul nucléotide et entraînant un changement d’acide aminé dans le gène kcnl-1, qui code pour une sous-unité d’un canal potassique activé par le calcium». C'est «cette mutation dite "gain de fonction", changeant une valine en leucine», qui «cause une activation inappropriée du canal ionique qui conduit à une réduction de l’excitabilité du muscle vulvaire». Il en résulte que «les embryons ne sont alors plus expulsés et éclosent à l’intérieur de la mère».
Cette étude montre, en outre, grâce à la technologie CRISPR, «que la présence de ce seul variant génétique était suffisante pour induire un matricide constitutif tandis que son remplacement par le nucléotide canonique dans la souche d’origine suffisait à supprimer le matricide». De plus, «des expériences de compétition en laboratoire ont indiqué que ce variant pouvait se maintenir face au variant canonique, dans des conditions alternant abondance et absence de nourriture», ce qui est confirmé par le fait que «la découverte de ce variant dans plusieurs souches sauvages originaires de multiples localisations géographiques sur le globe» est aussi «en faveur de sa maintenance par sélection naturelle dans certains habitats particuliers».
Au bout du compte, les résultats de ce travail «sont parmi les premiers montrant qu’une mutation spécifique dans un seul gène peut conduire à une perte évolutive de la sensibilité environnementale d’un phénotype probablement adaptatif».
Tags : Génétique, 2021, Science Advances, nucléotides, CRISPR, plasticité phénotypique, matricide, valine, leucine, assimilation, ponte, éclosion, acides aminés
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