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Géophysique: l'analyse des traces de tsunamis à Tenerife conduit à proposer un scénario original de glissement de flanc rétrogressif associé à une éruption, il y a 170000 ans!____¤201705
Une étude, dont les résultats intitulés «Explosive eruption, flank collapse and megatsunami at Tenerife ca. 170 ka» ont été publiés dans la revue Nature Communications, a permis, grâce à l'analyse des traces géologiques d’un tsunami à Tenerife de proposer un scénario original de glissement de flanc rétrogressif associé à une éruption volcanique majeure de style explosif.
Notons tout d'abord, que «les volcans boucliers* océaniques subissent régulièrement des phases de destruction massive de leurs flancs, impliquant des volumes de plusieurs dizaines voire centaines de km³» et que «ces gigantesques glissements de terrain représentent potentiellement un risque de faible fréquence mais de forte magnitude, notamment du fait des tsunamis qu’ils peuvent engendrer».
Rappelons à ce propos que «les tsunamis sont des agents de transport particulièrement puissants» impliquant «des transferts sédimentaires importants entre la plateforme péri-continentale et les milieux côtiers (jusqu’à plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres dans le cas de tsunamis majeurs tels que ceux de Sumatra en 2004 et du Japon en 2011)».
Comme «les dépôts de sable, boue et blocs laissés à terre par un tsunami sont parfois préservés dans les archives sédimentaires, devenant ainsi leur trace géologique», les sédimentologues peuvent tirer profit de ces dépôts pour dater et reconstituer les tsunamis du passé.
Alors que jusqu'à présent, «les facteurs de déclenchement et les processus physiques» contrôlant les glissements à l'origine de ces tsunamis sont peu contraints, «du fait de l’absence d’observations historiques et de données instrumentales», l'étude ici présentée, réalisée «dans le cadre du projet européen ASTARTE (Assessment, STrategy And Risk reduction for Tsunamis in Europe - FP7 ENV.2013.6.4-3)», a analysé «la répartition spatiale, la structure et la composition de dépôts de tsunami sur la côte nord-ouest de l’île de Tenerife».
Il est ainsi apparu que «deux tsunamis se succédant dans un laps de temps très court il y a environ 170 milliers d’années». Plus précisément, les deux dépôts de tsunami sont constitués «de conglomérats chaotiques où se mélangent divers types de roches volcaniques et de fossiles marins (coquilles de bivalves, gastropodes, fragments de coraux, foraminifères) voire continentaux (os de lézards, gastropodes)»: la faune marine, exceptionnellement riche et de composition inhabituelle, «reflète un mélange d’environnements différents allant du supra-littoral au bathyal».
Concrètement, «les traces du premier tsunami ont pu être retrouvées jusqu’à une altitude de 50 m sur la pointe nord-ouest de Tenerife, tandis que les dépôts du second tsunami atteignent localement une altitude de 132 m». Le deuxième tsunami se différencie aussi du premier par «la présence de nombreuses ponces phonolitiques, associées notamment à des obsidiennes et des syénites».
Comme le substratum local est «exclusivement basaltique (coulées datées à 194 ka et 178 ka, sous les dépôts de tsunami)», il en résulte que «ces roches proviennent du volcanisme différencié de l’édifice central Las Cañadas (proche de l’actuel volcan Teide), situé à plus de 20 km des dépôts de tsunami».
Il a été déterminé que «la composition des ponces en éléments majeurs et traces est similaire à celles des phonolites du cycle éruptif Diego Hernandez III (DH III), s’achevant par l’éruption plinienne d’El Abrigo (180-170 ka) et l’éviscération quasi-totale du système magmatique superficiel (1-2 km sous le niveau de la mer)».
En fait, «les produits du cycle DH III se distinguent notamment par leurs rapports Si/Al et Nb/Zr plus élevés que les cycles éruptifs précédents (DH I et DH II)» et «les produits de l’ignimbrite finale émise lors de l’éruption d’El Abrigo», absents du premier dépôt de tsunami», ont «été incorporés au second tsunami».
Grâce à ces éléments, «le scénario complexe qui a vu la destruction massive du flanc nord de Tenerife et la formation de la caldera de Las Cañadas il y a 170 milliers d’années» a pu être élucidé pour la première fois. D'abord, «pour des raisons qui restent à déterminer et qui sont peut-être liées à la réactivation du système magmatique sous Tenerife, la partie sous-marine du flanc nord de l’île commence à se déstabiliser, produisant une première série de glissements et turbidites de composition essentiellement basaltique». C'est à la suite de l'un de ces premiers glissements (~40 km³) que survient le premier tsunami inondant Tenerife.
Alors «que s’amplifie l’activité explosive au sommet du volcan Las Cañadas», la «déstabilisation rétrogressive du flanc se poursuit»: les ignimbrites recouvrent une grande partie de l’île comprenant «les côtes déjà dévastées par le premier tsunami». Pour finir, «l'éruption s’achève par la destruction totale du sommet et du flanc nord de l’édifice Las Cañadas, produisant une avalanche de débris d’un volume estimé à ~15 km³», qui «est à l’origine du second tsunami, dont les vagues vont atteindre des altitudes de plus de 130 m sur la côte nord-ouest de l’île». En fin de compte, «le volcan qui culminait à plus de 3500 m d’altitude est littéralement décapité et éventré par les glissements successifs, laissant une cicatrice béante d’un volume de 170 km³».
Soulignons pour terminer que ce scénario est «inédit pour un volcan bouclier d’île océanique», car si «on connaissait déjà l’existence de ces grands glissements de flancs, ainsi que celle d’éruptions très explosives au centre de Tenerife», la combinaison et les interactions probables entre ces deux phénomènes «représentent un nouveau style d’évènement volcano-tectonique, révélé par l’intermédiaire des dépôts de tsunami».
Lien externe complémentaire (source Wikipedia)
Tags : Géophysique, 2017, Nature Communications, tsunamis, coquilles, coraux, foraminifères, ponces, obsidienne, ignimbrites, magnitude, volcans boucliers
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